L’avenir du recrutement par Elisabeth DOUNON

Interview réalisée par Simon Boulery le 10/07/2015

 

Quel est votre parcours ?

Je suis aujourd’hui conseillère à la Mission Locale.

A la base, je suis enseignante, j’ai ensuite fais une reconversion au bout de 4 ans en tant que consultante en ressources humaines. Dans ma pratique, je faisais embaucher des gens et en même temps j’étais amener à en licencier, ce qui m’était insupportable. Je me suis mis à la recherche d’un métier où je pourrais valoriser les personnes, leurs compétences, leurs aptitudes.

Un métier « optimiste » en somme. Et j’en ai trouvé un. Et même si ça paye beaucoup moins, depuis Juin 2005, je suis particulièrement riche en ressources humaines et surtout en accord avec mes valeurs.

J’ai 2 bacs +5, une troisième certification obtenue à l’ESC suite à une reconversion en 2012 en tant que coach d’entreprise. Je travaille avec l’accord de mon Directeur en tant que formatrice vacataire et j’ai mon cabinet depuis février 2013. Finalement mon parcours se résume autour d’un élément à savoir les relations humaines.

 

 

Quelles sont les principales difficultés des candidats éloignés du marché de l’emploi ?

Par rapport à ce que je pratique, je dirais que les principales difficultés sont de plusieurs ordres. Le premier ordre est lié à la personne et à son positionnement, c’est-à-dire problèmes de confiance en soi, de valorisation, d’estime de soi : « suis-je capable de… ?» En effet, si la personne n’a pas confiance en elle, elle ne sera pas apte à se présenter à un employeur. Si elle ne croit pas en elle, elle aura plus de difficulté à véhiculer le message « croyez en moi ! ». Le 2ème axe concernant les difficultés rencontrée est lié au fait que des gens ayant déjà de l’expérience ont du mal à réaliser qu’ils peuvent posséder des compétences transversales. Je dirais qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour les années à venir. Le lien entre les différents métiers n’est pas fait grâce aux compétences, aux aptitudes, le lien est tissé par les talents qui sont propres à chaque individu.

Enfin pour être très synthétique, le 3ème point, notamment concernant les jeunes que j’accompagne, est une méconnaissance des codes de l’entreprise ; ils sont parfois sortis de l’école relativement tôt. Ceci dit, même les personnes ayant suivi un cursus plus long (E.Dounon accompagne des jeunes du CAP à Bac+5) n’ont pas toujours eu l’opportunité de rencontrer des acteurs du monde de l’entreprise. Cela se matérialise lorsqu’ils constituent leur CV ou parlent en entretien. Ils énumèrent toutes leurs expériences alors que le recruteur aimerait juste entendre ce que la personne sait faire et comment le candidat positionnent ses compétences pour faire avancer l’entreprise. Voilà selon moi les difficultés majeures.

 

Quel est votre rôle auprès de ces candidats ?

Justement mon rôle concerne les axes dont je viens de vous parler, c’est-à-dire travailler sur la valorisation de soi, l’estime de soi, le fait de proposer ses compétences y compris celles dites transférables, valoriser chaque élément de son parcours en entrant en relation avec le recruteur notamment. On parle souvent de marasme économique, du marasme de la vie. Il est important de leur poser la question : malgré le contexte économique, quelle vie choisissez-vous ?

Il n’y a pas aujourd’hui suffisamment de travail pour tous ceux qui sont en capacité de travailler. Par contre, il y a de la place pour chacun. Surtout si vous avez envie de faire ce pour quoi vous candidatez, cela vous démarquera d’autres candidats et vous serez heureux dans votre vie professionnelle pendant un certain nombre d’années. Quitte à passer 42 ans à travailler autant se faire plaisir !

La particularité de mon travail consiste à réintégrer une notion de plaisir dans sa recherche d’emploi et surtout dans son parcours de vie.

 

Combien de candidats passent par la mission locale chaque année ?

Entre 6 et 7 milles accueils par an. Nous sommes une trentaine de conseillers à travailler pour la Mission Locale.

 

Par quels moyens les candidats peuvent-ils valoriser leur profil ?

Au niveau de la Mission Locale, nous avons un principe de parrainage. Il s’agit de mettre en lien 90 jeunes, ayant souffert de discriminations (santé, habitation, physique…) pour la majorité d’entre eux, avec un certain nombre de parrains bénévoles, qui viennent partager leurs connaissances des codes de l’entreprise, donner des conseils pour postuler à telle ou telle offre, surtout apporter un regard de professionnel en direct et redonner du positif.

La Mission Locale met également en place des ateliers, comme « Trouve ton job », « Cogidée » où on repense son projet professionnel, sa mise en œuvre. Nous sommes un service publique à l’emploi, nous avons donc également à disposition l’ensemble de la palette moyens proposés par le Service Publique.

 

Quelle est votre vision de l’avenir de l’emploi ?

Un article de Paristech Review indique qu’on ne connait pas 75% des métiers que les jeunes rentrant à l’école en 2014 (âgés de 3 ans), vont exercer ; ceci à l’échelle mondiale.

La prospective s’arrête donc relativement vite. Ce que je sais, c’est que la façon de travailler actuelle est en cours d’effritement. Il y a eu une révolution qui est celle du numérique. Les gens n’ont pas mesuré l’impact, mais ça sous-entend une révolution auprès des RH, au niveau de la manière de faire, de produire. Grâce aux imprimantes 3D par exemple, il n’y a plus de problèmes de logistique. Vous vendez votre outil au travers d’un fichier 3D et la production se fait sur place. Il est possible aujourd’hui de construire des ponts grâce à une imprimante 3D. Il va donc y avoir une montée en niveau des personnes encadrant ces projets, mais aussi une diminution des effectifs de production. L’impact sur les métiers va être très important. Les dernières études ont montrées une hausse du niveau de 23%, notamment en industrie.

 

Une entreprise locale à récemment investi dans une machine pour un poste, puis un second, etc… Aujourd’hui, sur les 4 postes concernés, 3 personnes sont partis à la retraite, et la personne étant restée est montée en compétences. Il n’y a donc plus de problème de pénibilité, de grève, de maladie puisque la machine remplace l’homme sur des postes pénibles. Du coup, les métiers, les postes, tout l’univers du travail est en mutation.

 

Je pense qu’il va y avoir une montée en compétence pour certains emplois. Cela risque de poser problèmes aux personnes éloignées de l’emploi ou à faible niveau de qualification.

Si les métiers que nous connaissons sont amenés à disparaître, ceux du digital en revanche, sont en pleine expansion. Le souci est que les personnes ne sont pas suffisamment formées à ces métiers. Cela pose un problème aux entreprises, qui ne savent pas comment trouver ces profils. Certaines écoles spécialisées se créent, une notamment vient d’ouvrir à Besançon, avec comme parrain le vice-président de Facebook. Elle fonctionnera un peu sur le même modèle que l’école 42, crée par Xavier Niel. Ce sont des gens non diplômés, et qui grâce à leurs compétences se retrouvent au même niveau que des personnes étant sur « l’ancien modèle » de qualification.

 

Selon vous, quelle est celle des candidats ?

Je dirais qu’il y a un ras le bol, ras le bol de candidater à des offres, d’envoyer des CV. En moyenne sur 500 candidatures, il y a un taux de réponse d’à peine 2%, y compris négative. Il y a un court-circuit dans le recrutement. Certaines entreprises sont encore sur un ancien modèle de recrutement et n’en changeront pas. Les candidats se plient donc à leur demande et leur envoient CV et lettres de motivation. Il y a en parallèle des entreprises comme Michel et Augustin, qui vont descendre dans le métro et aller vers les gens en leur demandant s’ils ne connaissent pas quelqu’un voulant être webmaster chez eux. Les candidats sont très friands de ces démarches.

Il y a 2 façons de faire aujourd’hui, mais ils savent que le marché est tendu, et il y a de grosses baisses de morales. C’est pourquoi Place des Talents a totalement sa place auprès de candidats prêts à l’emploi, par son côté innovant. Il y a une réelle attente de nouveauté et d’une façon différente de faire.

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