Business & Happiness : Le couple gagnant

Née aux Etats-Unis il y a une dizaine d’années, l’idée de favoriser le bien être des travailleurs pour booster la productivité des entreprises a fait son chemin, et suscite même un certain engouement. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que de grandes écoles, comme Harvard et le MIT, ont conduit récemment des études démontrant qu’un salarié heureux est deux fois moins malade, six fois moins absent, neuf fois plus loyal, 31% plus productif et 55% plus créatif !

Pour attirer et fidéliser les talents, de grandes entreprises se sont donc emparées du concept ; Mc Donald, Google et d’autres géants de la Silicon Valley ont déployé des mesures pour améliorer la qualité de vie au travail, allant même jusqu’à créer un poste à cette intention : le Chief Happiness Officier (CHO), soit le directeur général du bonheur en français. Quezako ?

Nouvel arrivant au sein des équipes dirigeantes, le CHO a la tâche cruciale de créer un climat de travail propice à la satisfaction et au bonheur des salariés. Pour ce faire, il doit enrichir la culture d’entreprise, soigner la marque employeur et surtout chouchouter les collaborateurs ! Dans un contexte économique morose où burn-out et turn-over plombent les entreprises, le DRH est donc amené à évoluer, s’éloignant de la gestion technique du personnel et de son rôle de simple exécutant, pour ajouter une dimension beaucoup plus émotionnelle à sa fonction.

Selon le danois Alexandre Kjeruff, pionnier en la matière :

 « le travail du CHO est d’impulser différentes initiatives pour rendre les gens plus heureux comme des célébrations, des formations, des événements et activités collectives sur le lieu de travail qui aident les salariés à faire du bon travail et à voir le sens de ce qu’ils font ».

Mais qu’est ce qui rend un salarié heureux ? Outre un salaire convenable, les employés apprécient de se voir confier des missions variées et à la hauteur de leur compétence, d’être reconnus et estimés par leur hiérarchie, d’évoluer dans une ambiance conviviale et d’entretenir des relations amicales avec leurs collaborateurs, de se sentir autonomes et responsabilisés (home office par exemple). La satisfaction et l’efficacité des salariés seraient donc directement liées à la liberté et à la confiance qu’on leur accorde.

Bien loin de l’animateur Club Med qui organise karaoké et repas à thème, le CHO est donc chargé de mettre en œuvre une stratégie globale visant à réconcilier profitabilité et bien-être des travailleurs. Sur la base du « care management », il s’agit de créer un environnement de travail harmonieux, pour motiver les équipes, renforcer leur engagement envers l’entreprise et ainsi favoriser la performance.

En somme, le CHO est un leader qui allie intelligence du cœur et intelligence économique.

Si on ne peut évidemment pas reprocher à une entreprise de vouloir faire le bonheur de ses employés, certains critiquent néanmoins cette nouvelle tendance managériale, et leurs arguments peuvent s’entendre. En effet il est vrai que le bonheur est une notion éminemment subjective, et ce n’est peut-être pas à l’entreprise d’en être garante. Le bonheur est propre à chacun, et son institutionnalisation risque de ne pas convenir à tout le monde…

De plus, bien que les intentions du CHO soient louables et destinées à créer un cercle vertueux, attention au bonheur obligatoire ! Est-ce qu’un salarié se sentira libre d’être malheureux si son employeur prône le bonheur ? Osera-t-il rater une séance de yoga alors que ses collègues y assistent et que ses supérieurs l’y incitent ? Les entreprises ne risquent-elles pas d’envahir la vie privée de leurs salariés sous prétexte de veiller à leur bien-être ?

http://sd40.fsu.fr/Souffrance-au-travail-des-outils.html

Il convient d’être prudent avec les mots. « Bonheur » est sans nul doute un terme trop fort et trop connoté pour le monde du travail, mais son utilisation a le mérite de frapper les esprits et de permettre aux entreprises d’afficher clairement et distinctement leur politique en la matière. A l’heure où tous les moyens sont bons pour relancer la croissance, aucune entreprise ne peut faire l’économie de salariés plus performants. Alors, en sachant que le choix d’une politique axée sur le bien-être des employés se traduit bien souvent de façon sonnante et trébuchante pour les employeurs, l’idée a de quoi séduire. Une nouvelle forme de GRH serait-elle en train de voir le jour ?

Selon une étude publiée en mars 2016 par le moteur de recherche d’emploi Indeed, la France se situe au 4ème rang des pays où les employés se déclarent malheureux, se plaignant notamment d’un mauvais équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Illustrant la dégradation du moral des salariés, tout particulièrement dans les pays riches, cette étude laisse penser que la notion de bonheur entreprise devraient devenir une préoccupation de plus en plus partagée, et donc que le terrain serait fertile au développement des CHO, plus seulement dans les start-up mais aussi dans les secteurs traditionnels.

http://flythenest.io/relations

Solidement implantés Outre-Atlantique, les CHO arrivent en Europe, notamment dans les pays scandinaves et tout particulièrement au sein des start-up high tech. En 2015 Arte diffusait le reportage « Le bonheur au travail », réalisé par Martin Meissonnier, dans lequel CHO et salariés d’entreprises dites libérées livrent leur ressenti sur ces nouvelles méthodes managériales. De l’entreprise au secteur public, ces mesures semblent avoir fait leurs preuves et les chiffres démontrent que tout le monde sort gagnant de ce type de relations de travail : les salariés sont épanouis et fiers de leur entreprise, les dirigeants gagnent en notoriété, les uns comme les autres profitent de l’augmentation des résultats. Ce documentaire a été le plus re-visionné sur le web depuis la création de la chaîne, preuve de l’intérêt des européens pour ces concepts novateurs !

Et vous, êtes vous heureux au travail ? Pour ou contre l’arrivée des Chief Happiness Officier ?

8 thoughts on “Business & Happiness : Le couple gagnant

  1. Le management du futur, il faut l’espérer … Même si la création d’un poste de « chargé du bonheur » est probablement encore un peu trop progressiste pour la France. A mon sens, une entreprise qui allie savoir être et savoir faire avec ses salariés a déjà tout compris.
    En tout cas je retiendrai cette jolie phrase :
    « En somme, le CHO est un leader qui allie intelligence du cœur et intelligence économique. » Bravo à l’auteure, ça fait rêver !

    1. Merci !
      Peut-être encore trop progressiste pour les entreprises à tendance paternaliste, mais certaines start-up françaises ont déjà leur CHO et, on le sait, ce sont souvent elles qui ouvrent la voie. Il n’est donc pas vain d’espérer !

  2. Très bel article, j’espère sincèrement que les Dirigeants mettre le bonheur au travail en priorité quotidienne et non pas un numéro vert et de petites actions histoires d’avoir bonne conscience

  3. Je ne connaissais pas ce concept, et à notre époque je trouve que c’est une idée qui devrait être mieux reconnue, et surtout plus répandue. Avec les problèmes des salariés actuels, ça n’est qu’une motivation de plus pour aller travailler. Etant moi-même à la recherche d’un emploi en ce moment, c’est un concept et des idées qui me rassurent quant à mon avenir professionnel.

  4. Totalement contre. Le bonheur releve de l’intime, sa marchandisation et son instrumentalisation au service de la performance (qui s’effectue dans les faits avec des techniques de manipulation des foules) est l’une des pires atteintes à ce que nous sommes. La volonté de maîtriser notre identité professionnelle et personnelle est une infamie pensée par des pseudo coachs qui n’ont même pas analysé les consequences de leurs actes, analysé de manière objectives les etudes académiques et manipulent les chiffres (notamment ceux cités en début d’article qui sont pipeau) au service de leur business

    1. Et vous en avez tout à fait le droit ! Comme je le disais, cette notion est loin de faire l’unanimité …
      Il est vrai que le bonheur relève de la vie privée, chacun doit pouvoir le rechercher librement sans avoir à en rendre compte, encore moins à son employeur. L’arrivée des CHO et de ces nouvelles pratiques pour rendre heureux les salariés présentent sans aucun doute un risque d’ingérence de l’entreprise dans l’intimité des salariés. Il est aussi à craindre que certaines structures adoptent une telle politique en façade, pour redorer leur réputation et avoir bonne presse, sans donner la priorité à l’humain plutôt qu’au profit …
      Mais toute innovation ne présente-t-elle pas des risques de dérives ?
      Si le bonheur relève de l’intime, peut-on pour autant nier que le travail y joue un rôle important ? L’épanouissement professionnel ne contribue-t-il pas à la réalisation de soi ? Sans entrer dans le diktat du bonheur et le contrôle de l’identité des individus, est-il si grave que les entreprises se soucient du bien-être de leurs employés ?

      Merci d’avoir partagé votre opinion. C’est de la confrontation d’idées que naît le progrès.

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